LE BISOUNOURS QUI

NE FAIT PLUS REVER

 

 

Rarement un homme d'état aura personnalisé en si peu temps l'impopularité et provoqué de telles violences. Certes les derniers présidents élus de la Ve République ont rapidement perdu l'assentiment de l'électorat qui venait des les élire peu auparavant. Mais aucun n'avait donné prétexte à des manifestations d'une telle ampleur, d'une telle radicalité. Manifestations de plusieurs jours provoquant des centaines de blessés et même des morts. Le sentiment d'une société injuste en ressort aujourd'hui majoritaire et indéniable. Au passage, sans accorder trop d'importance à l'ancien employé de banque, il semble néanmoins intéressant de s'attarder sur le personnage...

 

DECLIN DES INSTITUTIONS

 

Ces manifestations ont surgi comme l'explosion d'une cocotte-minute, dont le couvercle saute brusquement sans que le Pouvoir ne s'y attende. Cependant, depuis des années, nombre d'observateurs avaient remarqué des signes, montrant qu'une partie de la population, pour le moins, était dans le désarroi, la misère et même pire, dans le rejet des institutions représentatives du système.

C'est la particularité de ces derniers temps : la radicale remise en cause, dans la pratique, de la « représentation nationale » par un électorat devenant de plus en plus abstentionniste. Une indifférence pour le moins, à l'égard des « corps intermédiaires », partis, syndicats, institutions, d'un régime « libéral » basé sur la « démocratie parlementaire ». Et cette vision « populiste » n'est-elle pas aussi finalement celle du Président !

Deux réponses se font face : un populisme héritier des valeurs de l'extrème-droite et un populisme de gauche tentant de surfer sur de vraies aspirations à la Démocratie Directe

Au capitalisme clairement en crise, répond aujourd'hui en écho une crise institutionnelle, une faillite d'un libéralisme qui ne fait plus rêver personne. Cette usure des institutions est donc en même temps une crise du système liberal pourtant indispensable aux échanges Elle est visible dans nombre de pays . Mais la France représente un cas particulier en Europe.

 

UN ETRANGE PERSONNAGE

 

Le président français se veut en effet le champion du libre échange dans une Union Européenne politiquement unie. Il est le clair produit de la TINA (1) et aussi brillant et instruit soit-il, son intelligence ne peut concevoir qu'un autre système social soit possible. Sans originalité il fait partie d'une élite incapable de conjurer ou de remédier à une crise, une rude secousse comme celle de 2008. Ce genre de désastre imprévisible dans notre « meilleur des mondes » jette une stupeur où l'on ne peut s'en remettre qu'au Destin « fabuleux » du capitalisme retrouvant ineluctablement, quelque soit les vicissitudes et les guerres, son équilibre.

Comme les derniers Romains le Président ne peut concevoir la Chute de Rome, c'est à dire la fin du capitalisme.

Même si l'absence de solution pérenne reste récurrente, on aurait tort de croire cependant que les obstacles mortifères qui infectent le système n'aient pas été repérées.

Cet homme jeune ayant débuté une vie professionnelle dans les affaires faite de succès, non sans égocentrisme, s'est vite cru investi d'une mission. Certes, évoquant « l'inéluctable mondialisation » - entendez l'hégémonie capitaliste - il ne veut ni ne peut changer radicalement la société. Mais il se sent à la hauteur d'une mission, d'un défi à relever pour la France : la transition énergétique. N'est-il pas prédestiné à la réussite ?

Quant aux institutions, comme les populistes à qui il ressemble par bien des points, il avait bien sûr compris leur obsolescence, intégrant des caractères indépassables de la société capitaliste : l'inégalité et l'injustice. Réformer le système de la représentation nationale, en élagant, en supprimant des sièges de députés ou d'élus puisque de toutes façons – cela tout le monde l'a aussi compris – c'est lui qui décide, n'est-il pas moderne et même raisonnable ? Dans la droite ligne de la Ve République, le modèle ne peut donc être qu'un système présidentiel fort, où le personnage rêvé ressemble certes plus à Obama qu'à Trump. L'exercice du pouvoir ne passe t-il par cette verticalité ? Et la majorité parlementaire, élue pour cinq ans, en même temps que le Président, siège, comme les autres parlementaires, pour la forme, simples employés du brain-trust aux ordres du patron. Publiquement ils n'ont bien sûr d'autres opinions que celles qui découlent de la bouche dudit boss.

Fragiles... L'édifice présidentiel, le discours vieillot où l'on évoque en châtelain, les « classes moyennes et les classes laborieuses », et pourquoi pas, mots d'un vieux Maréchal, « le vent mauvais »... Et l'homme lui-même, que l'on sent parfois tendu comme un arc, quoiqu'il veuille paraître. Voulant décider seul, il recueille seul l'impopularité.

La figure du magicien d'hier se transforme alors de plus en plus en prestidigitateur raté.

 

SOLITUDE ET MEDIOCRITE

 

Un tel personnage jupitérien ne pouvait faire équipe avec des « têtes » politiques trop expérimentées qui auraient pu manifester leurs désaccords ou tout du moins leurs critiques. Tour à tour, le leader du Modem, le naïf ministre de l'écologie et l'ancien maire de Lyon firent logiquement défection. Le Président n'avait-il pas voulu s'entourer de « nouveaux », de personnes issues de la « société civile » ? Vieille marotte... Il se retrouvait entouré d'individus falots suspendus au discours du patron, s'entrainant au rôle parfois ingrat de ventriloques.

Face à la révolte menaçante, certains d'entre eux, sans honte, n'hésitaient pas à brandir la menace de « la peste brune », ou à accuser, pour les discréditer, les « gilets jaunes » de former un « mouvement anarchiste »...

Les billevesées déversées sur les chaînes d'informations, évoquant des « mesures-brioches » comme un fantasque équipement des populations en automobiles électriques n'ont duré qu'un temps et ne peuvent même plus être évoquées sérieusement. L'objectif à court terme n'est pas de satisfaire les besoins des populations mais de calmer « la grogne ». De la pédagogie bien sûr... Et la médiocrité des perroquets n'est apparue que plus flagrante, encore plus révoltante.

Le programme des « réformes », lié à une drastique politique de transition écologique, consiste essentiellement à tenter de renflouer le budget par une augmentation de nombre de taxes que doivent payer les plus modestes sans que l'on se soucie vraiment d'un contexte social, ressenti comme insupportable.

On avait bien réussi à faire passer la « réforme » de la SNCF alors....

Le peuple, immature, ne doit-il pas être dirigé, pour son bien, avec la fermeté nécessaire ? Il ne comprend pas où est son bonheur. Et si l'on pouvait s'en débarrasser !...

Mais surtout ne pas casser la machine économique en taxant les plus riches. Car foin alors du chimérique ruissellement attendu … Mais qui croit encore à de telles balivernes ? La vision messianique de notre monarque apparaît mais elle n'est pas rassurante. L'irrespect est resté de l'autre côté du Rhin, dans « Die Welt » par exemple, qui écrivait que le président français prenait ses compatriotes pour des imbéciles...

 

« UNE REVOLTE ? NON, SIRE UNE REVOLUTION ! »

 

Face à cet homme providentiel, qui a compris tant de choses, que valent cette grogne et ces revendications incongrues qui se développent néanmoins, qui courent nos rues, nos routes et même « nos » Champs Elysées ? Au point que même des ministres, comme Madame Girardin en viennent à énoncer, sans agressivité, les mots de « Démocratie Directe »....(2)

En filigramme, en riposte à la misère sociale, se développe les esquisses de ce qui pourrait être une nouvelle société. Les Gilets Jaunes, réalisent concrètement dans l'organisation de leurs lutte, l'affinement de leurs revendications, ce qui n'avait été que discussions intellectuelles lors des assemblées impuissantes des « Nuits Debout » de 2016. Ils ouvrent la voie à une nouvelle pratique de démocratie, directe, celle-là, où les partis et les syndicats sont mis sur la touche au profit d'une auto organisation conviviale, où obligatoirement les représentants ne peuvent être que révocables.

La crainte des populistes, distillée par le pouvoir, semble surfaite, tant les pratiques de nouvelle démocratie sans leader semblent ancrées. Exposant tout et son contraire, le Premier Ministre, avait donc évoqué, pour semer l'effroi et le rejet, voici quelques jours, un « mouvement anarchiste ». Pas de chefs, des porte voix se référant constamment à la base, une auto organisation basée sur la Démocratie Directe. … Même si, sans trop savoir, nombre de Gilets Jaunes rejetèrent le qualificatif d'Edouard Philippe, brayant « La Marseillaise » brandissant le drapeau tricolore, on ne peut sur ce point qu'être en accord avec lui. Et n'est-ce pas en ce sens, débarassée de l'oligarchie, que la démocratie se trouverait renouvelée ?

 

(1) TINA = There Is No Alternative, selon l'expression de l'ancienne Première Ministre de Grande-Bretagne, Margareth Thatcher.

(2) Interview le jour de son départ pour la Réunion ce 27/11/2018 sur la radio de France Info

Fiesta liber'terre

du Cercle d'Etudes Louise Michel

La journée culturelle libertaire organisée le samedi 10 juin à Saint-Michel du Gers par le Cercle d'Etudes  Louise Michel. Pour une première - aura été un franc succès.

 

Dès 10 heures du matin les premiers visiteurs arrivant étaient accueillis par Bernard, Roland, Michel et autres organisateurs. S’installant à l’ombre des arbres. Ils pouvaient déjà profiter de tapas et prendre un café, une boisson fraiche ou une bière pression à la buvette.

 

Les stands installés, animés par des producteurs locaux proposaient des produits artisanaux bio, comme des confitures ou du poulet. Abrité, à l’ombre, par cette chaude journée, dans la pièce ouverte d’un bâtiment, un stand de livres proposait des ouvrages rares et intéressants.

 

Le programme de la journée débutait avec l’orchestre « Gersswing » et le groupe « Les Fleurs du Male » qui animaient un apéritif musical. Le répertoire des chansons contestataires et libertaires fit un tabac.

 

Pique-nique libre ensuite pour le déjeuner, avec grillade possible de produits achetés sur place. Déjà le ton était donné et l’ambiance, nonobstant la température, devenait de plus en plus sympa et…chaleureuse.

 

Il fallut un certain effort aux visiteurs, après le repas, pour venir assister, débattre à la conférence prévue dont le thème était « De Francisco Ferrer à aujourd’hui : quelle pédagogie, quels projets éducatifs, quels intérêts ? ». Malgré les conditions climatiques, cette conférence remporta un succès certain au point que nombre de participants demandèrent copie des notes du conférencier.

 

Cette conférence fut suivie, dans la même salle, par la projection de deux films de notre camarade cinéaste Michel Mathurin : « yen a pas un sur cent »portrait de Micha suivi de «  et pourtant ils existent  »qui fait l’historique du syndicalisme révolutionnaire.

 

A partir de 19 heures un repas barbecue était servi, moyennant 8 euros.

 

Le clou de la soirée, vers 21 heures, allait être le spectacle autour du poète Gaston Couté, rythmé de chansons, de voix chantées en chœurs, de déclamations remarquablement orchestré par tous les acteurs où l’on distinguait Robert Pujos, maître d’œuvre, et des animatrices inspirées comme Christine. Difficile de nommer tous ceux qui étonnèrent alors par leur réel talent et qui furent donc copieusement ovationnés à la fin de cette journée et de cette soirée de rêve.

 

Au vu et à l’écoute de tous les encouragements le Cercle d'Etudes Louise Michel, tenant compte des critiques et des améliorations possibles, a bien l’intention de réitérer cette manifestation l’année prochaine.

                                                                          NEMO

POUR QUE VIVE HERVE PINTO

Hervé Pinto est un militant syndical martiniquais, attaché au Droit, particulièrement à celui des salariés. Depuis plus de 10 ans il est l’objet de persécutions, en premier lieu de son employeur, La Poste. Mis à pied sans traitement pendant deux ans, ce père de famille, aujourd’hui en grève de la faim depuis plus de trois semaines, continue de se battre, n’acceptant pas l’injustice.

 

Hervé Pinto représente aujourd’hui l’exemple d’une répression néo-libérale, d’une politique macronienne anti sociale qui s’affirme encore plus liberticide et, qui, sans pitié, s’est généralisée contre tous ceux qui osent protester pour défendre leurs droits.

 

Il avait donc été l’objet d’une longue mise à pied par la direction de la Poste qui visiblement cherchait à sanctionner de façon exemplaire un militant syndicaliste gênant. Respectueux des règles, menant des actions responsables et légitimes, il était difficile de l'abattre. Pour se faire on usa donc du mensonge le plus éhonté et de  calomnies les plus invraisemblables. On prit prétexte de la prétendue intrusion d'un camarade de sa centrale syndicale, non postier, dans le bâtiment de l'administration de la Poste, où devaient se dérouler des négociations, pour prendre pour cible ce père de famille de trois enfants. Le syndicat, avec les trois membres de son bureau, dont Hervé Pinto, fut lui-même l'objet de répression systématique et d'ostracisme. Malgré ses succès électoraux aux élections professionnelles dans les plus grands établissements du département, on lui refusa alors les droits dus à sa représentativité avérée comme par exemple l’usage des panneaux syndicaux.

 

En septembre 2013 il est convoqué en conseil central de discipline à Paris où est demandée sa révocation. On lui reproche d’avoir provoqué un débrayage sauvage à Fort de France CTC contre des sous effectifs récurrent dans le centre postal.

 

Ce genre de pratique répressive, de plus en plus appliquée à La Poste, qui va à l’encontre du droit syndical a déjà été signalé au Bureau International du Travail.

 

On tente d’exclure son syndicat de toute négociation concernant les revendications des employés de la Poste. A travers ces refus de reconnaissance, c’est finalement son existence même qui est niée.

 

Réintégré mais privé de son poste, mis sous la tutelle directe de ceux qui avaient fomenté sa perte, Hervé Pinto avait déjà vu sa santé se dégrader. En juin 2017, poussé à bout, il entame une douloureuse grève de la faim qui dure, au moment où est écrit cet article, depuis plus de trois semaines.

 

Après avoir fait condamné les fenêtres et arrêté le système de climatisation – nous sommes sous les Tropiques – La Poste, qui cherche à l’extraire du local de la direction dans lequel il se trouve, a fait venir un avocat de Paris « pour négocier », c’est-à-dire, en réalité, le piéger, en voulant le faire sortir dudit local…

 

Aucun grand média, hormis le journal France-Antilles, n’évoque cette affaire où la vie d’un homme est en jeu, où la vie d’autres personnes, salariés, est elle aussi, indirectement en question.

 

Je veux qu’Hervé vive, que justice soit rendue. Nous résisterons. Pas de paix sociale sans justice sociale !

                                                                             NEMO

Tchôk

Tchôk, en créole, veut dire coup de poing. Mais ce mot, dans la langue des Antilles toujours en évolution, peut devenir aussi un adjectif qui qualifie une personne qui ne se laisse pas faire.

Tchôk est un livre qui ne parle pas seulement de cette région du monde, les Caraîbes, faite comme ailleurs de combats, de souffrances et de joies. Pour évoquer les questions que l’on se pose sur le fonctionnement de notre société, il fallait bien aussi prendre ledit monde par un bout. Le capitalisme domine tous les aspects de notre vie.

Ceux qui prétendent le combattre trainent souvent des boulets idéologiques ou religieux rédhibitoires… Bien sûr des petits maîtres, admis par le Pouvoir, savent organiser des conférences, énoncer des discours interminables. On devrait se tenir coi et les écouter sagement assis sur le banc qui nous est dévolu. A l’heure d’internet et des tweeters, on comprend vite pourquoi ils se trompent d’époque. Mais voilà la bouillie insipide, la seule « alternative » dont le système accepte la diffusion.

Tout ce qui va dans le sens d’une action susceptible de changer concrètement l’ordre des choses est sinon interdit, du moins circonvenu ou détourné. Rester le cul assis derrière son écran, oui. Descendre dans la rue, parler aux autres, organiser la révolte, non.

Le théâtre que j’évoque est celui de la vie, celle des exploités qui parfois se révoltent. Elle est faite de joies simples, d’enthousiasme, de trahison, de tristesse. Rien de grandiose, à première vue, dans ces actions du coin de la rue, dans ces coups reçus ou donnés. Pourtant à travers toutes ces petites misères, qui sont autant d’expériences, on finit par distinguer, peu à peu, la trame de cette société. La révolte est insuffisante si elle n’entraine pas à travers son déroulement, une réflexion.

Avec mes camarades-tchôk, l’action se déroule d’abord en Martinique après le grand mouvement social de février-mars 2009 déjà évoqué à travers un petit ouvrage, Matinik Doubout (*). On va ensuite en France pendant le mouvement contre la réforme des retraites d’octobre 2010. L’avenir de la société capitaliste, ses contradictions, font ensuite l’objet d’une analyse. Les différents courants de la pensée économique sont abordés. Parmi les fausses solutions, il convenait d’évoquer le populisme. On retourne ensuite dans l’ « île aux fleurs », en Martinique, où sont encore évoqués des combats et la place de ceux, parmi les démunis, qui ont choisi non seulement de résister, mais de passer à l’attaque.

On ne pouvait terminer sans évoquer l’Alternative. Rien d’original ici, puisqu’on reprend les grands thèmes de la pensée ouvrière de toujours. Cependant les moyens de communication via internet permettraient aujourd’hui de réaliser facilement l’Utopie. En sus des notes, s’ajoutent quelques articles diffusés dans la presse papier ou sur internet.

Ce livre nourri d’expériences de lutte, se veut une arme pour tous ceux qui souffrent et qui luttent.

(*) Matinik Doubout, 2009, Editions Alternative Libertaire.

TCHÔK, Luttes politiques, crise capitaliste, enjeux et conflits sociaux, (2009-2014), par Nemo. Editions Armaguedon, 161 pages, 8 euros. Contact pour toute commande : Lutte972@orange.fr

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